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SOUVENIRS

se refusaient à sa poursuite, et qu’elle ne savait qu’en faire. Elle m’écrivait un jour (Mme de Rochefort, alors de Nivernais), à propos de la mort de ma fille :

« Les nœuds du sang et de l’amitié nous ont unies depuis l’enfance et la douleur que vous éprouvez a redoublé ma tendresse pour vous ; si vous n’êtes pas la sœur de mon corps, vous êtes la sœur de mon cœur, de mon choix et de ma volonté ! »

Quand elle écrivait ou parlait dans l’émotion d’un sentiment de piété, de compassion charitable ou d’affection, qui chez elle était toujours noble, pure et vraie, elle en disait continuellement de cette force-là, et c’était, dès l’âge de quinze ans, la même chose. On n’a jamais rien vu de si merveilleusement beau que cette belle jeune femme (elle est morte à 34 ans), qui vous subjuguait en vous éblouissant d’un regard magnétique, et qui vous entraînait victorieusement dans la conviction par un torrent d’argumentations solides et de métaphores imprévues, hardies, toujours naturelles et quelquefois naïves à surprendre : et puis c’étaient des images attendrissantes, avec des paroles inouies et des mots brillans et bien enchâssés qu’on voyait étinceler sur le fond du sujet comme un rubis dans l’or de la bague. Cet honnête Gerbier n’en pouvait parler sans admiration, et je vous assure que la chaire et le barreau de mon temps n’ont rien montré d’égal à l’éloquence de cette Comtesse de Rochefort. M. de Nivernais disait qu’il avait trouvé le quatrain suivant dans un vieux livre de sa biblio-