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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

un orgueil impudemment emphatique et des intempérances d’effronterie auxquelles il ne m’a jamais été possible de m’assouplir et de m’acclimater[1].

Il est à considérer que l’éloquence modeste n’a pris naissance qu’avec le christianisme et le dogme de l’humilité. Le censeur Caton, Caton le rigide, avait l’ennuyeuse habitude de se louer éternellement, et suivant Plutarque, il disait toujours quand on punissait ou condamnait quelqu’un de ses compatriotes, « Il est excusable, en ce qu’il n’est pas un Caton : » Cicéron, l’orateur poli, le Romain délicatement spirituel et l’avocat malicieusement railleur, n’en répète pas moins les louanges qu’il se donne, à tout propos, et le plus souvent hors de propos. Il s’élève en plein sénat au-dessus de Romulus et de Numa ; et dans une lettre à Atticus, il dit ouvertement et simplement « Pourrait-on me reprocher les louanges que je me donne, puisqu’il n’existe personne dans tout l’univers qui soit aussi digne de louanges que moi ? »

Que vous dirai-je à présent d’un orateur pareil

  1. Nous avons eu déjà l’occasion de remarquer que Mme  de Créquy ne citait pas toujours ses propres bons mots ; et nous trouvons ce qui suit dans le deuxième numéro des Étrennes aux Châteaux, recueil royaliste du temps. « On racontait hier que Monsieur, qui parle souvent en langue latine avec Mme  la Marquise de Créquy, lui avait dit du Comte de Mirabeau, qu’il était omnis omnibus et consilio manuque. — Ah ! certainement, a répondu cette Dame, consilio pour décevoir, et manuque pour recevoir. » Il est permis d’assurer que ce mot de Mme  de Créquy sur Mirabeau est une des épigrammes les plus ingénieuses dont ce fameux révolutionnaire ait été l’objet.
    (Note de l’Éditeur.)