Page:Créquy - Souvenirs, tome 7.djvu/15

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physionimie, on ne la reconnait plus ; on dirait qu’elle est un peu distraite et légèrement impolie ? mais si les prétentions reviennent à la charge, elle a l’air de demander excuse de son impolitesse, et ce qu’elle se met à répondre est si judicieusement et si obligeamment tourné, si finement dit, si bienveillant et si parfaitement juste, surtout, que l’auteur de ce méchant ouvrage et ses lecteurs présens, en sont également satisfaits, quoi qu’ils soient d’un avis diamétralement opposé sur le mérite du livre en question.

— Que vous êtes donc spirituellement bonne ! lui disais-je une fois chez Mme du Boccage, à propos de Mme Le Prince-de-Beaumont ; je n’aurais jamais eu l’esprit d’imaginer tout ce que vous trouvez moyen de dire équitablement à cette ennuyeuse Madem. Bonne à l’endroit de sa Ladi Sensée, de sa Ladi Spirituelle et de son Magasin des Adolescentes. — Mon Dieu, vous m’étonnez beaucoup, répondit-elle avec une candeur ineffable, je ne cherche pas à briller, je tâche de plaire.

Il y a d’elle une foule de mots vrais et charmans. — Les femmes aiment de tout leur cœur, et les hommes de toutes leurs forces. J’entendais un jour l’Évêque anglican Thornton qui voulait disputer contre elle à propos de la supériorité du théâtre anglais sur nos tragiques. — Vous aller m’impatienter, lui dit-elle, Corneille est un dieu, Racine est une déesse, Voltaire un enchanteur et Shakespeare un sorcier ! La Marquise de Beauharnois, sa belle-mère et la plus ennuyeuse créature du monde, était horriblement janséniste, et je me souviens qu’elle ne voulait pas (la belle-fille) emprunter pour emporter chez elle un poème