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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.


    quels il n’y a point de société possible. Il avait cessé de paraître à l’Assemblée depuis l’attentat du 20 juin. La nouvelle du danger du Roi le détermina à y revenir le 10 août ; mais pour y parvenir il fallait traverser (de l’hôtel bâti par M. de Létang sur la place Louis XV, jusqu’au château) une nuée d’hommes armés, de femmes furieuses, et d’assassins qui venaient d’égorger les Suisses de la garde et qui cherchaient des victimes nouvelles. Aucun domestique ne voulut accompagner M. de Pastoret. Sa jeune femme, nourrice d’un enfant au berceau, et aussi remarquable, alors, par sa beauté, qu’elle l’a été par son esprit et ses vertus charitables, Mme  de Pastoret, disons-nous, vint s’attacher au bras de son mari et le conduisit jusqu’à la porte de l’Assemblée. Là, il monta vers la tribune du Logographe où l’on avait placé le Roi, et tandis que ceux qui s’y asseyaient habituellement avaient déserté cette place, lui s’approcha le plus près possible du Roi pour recevoir ses ordres et lui témoigner son dévouement ; mais tout était inutile alors. Le Roi passa de l’Assemblée au Temple, et de la tour du Temple à l’échafaud, et M. de Pastoret, obligé de fuir, ne reparut qu’à la chute de la Convention, alors que le département du Var le nomma député au conseil des Cinq-Cents. Il y devint l’un des chefs de ce qu’on appelait le Parti de Clichy ; il y prit la plus grande part aux luttes, aux espérances et aux projets des royalistes, et fut condamné la déportation par le décret du 18 fructidor, lorsque le Directoire, épouvanté de sa propre situation, ne crut pouvoir échapper au danger que par un coup d’état. Errant de nouveau hors de France, il n’eut la permission d’y rentrer qu’à l’époque du Consulat. Deux fois, en six année, les Colléges Électoraux de Paris le désignèrent, alors, pour leur candidat au Sénat. Napoléon, qui ne l’aimait pas, le mit cependant sur une liste de présentation soumise au choix du Sénat, qui l’admit au nombre des sénateur. Appelé par le roi Louis XVIII aux honneurs de la pairie, il fut membre de la commission qui rédigea la charte de 1814, devint vice-président de la chambre en 1820, vice-chancelier en 1828, et Chancelier de France en 1829. Lorsque les événemens de juillet renversèrent le trône, avant même que la monarchie du 7 août ne se fût improvisée, mais du moment où le Duc d’Orléans se fut fait proclamer lieutenant-général par la chambre des députés,