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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

vain révolutionnaire a fait imprimer que lorsque les parens de M. Suleau envoyèrent chercher son corps le surlendemain, 12 août, il fut impossible de le reconnaître, parce que la terrasse était jonchée de cadavres mutilés, égorgés, éventrés, tous couverts de mouches qui suçaient le sang figé de leurs larges blessures et qui remplissaient les cavités de leurs yeux. On a su qu’avant de tomber sous les coups de poignard, il avait harangué le peuple, mais son courage et son éloquence ne purent le sauver ; il y avait quatre à cinq mois qu’il venait d’épouser une jeune femme charmante dont il était idolâtre, et qu’il avait eu la triste prévision de conduire auprès de son frère Dom Charles, au prieuré d’Oncy, quelques jours avant le 10 août[1].

Le Duc d’Orléans et le Duc d’Aiguillon n’étaient pas les seuls révolutionnaires de Paris qui fussent à bout de leurs finances, et tous ces malheureux ouvriers qu’ils avaient débauchés de leurs ateliers en étaient réduits à mourir de faim. D’après un recensement exact des pauvres, il s’en trouvait cent soixante-six mille à la charge des paroisses, et c’était plus d’un quart de la population de Paris. Il arriva qu’un jour, environ deux cents ouvriers se présen-

  1. Adélaïde-Victoire Hall, aujourd’hui Marquise de la Grange et mère du Vicomte Élysée de Suleau, Conseiller d’État du Roi Charles X, et Directeur-Général des Domaines au moment de la révolution de juillet. On n’a pas besoin d’ajouter que sous tous les rapports du dévouement, de la loyauté, du courage, et de la supériorité d’esprit, d’intelligence et de talent, M. Élysée de Suleau s’est toujours montré le digne héritier de son généreux père.
    (Note de l’Éditeur.)