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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

rette, en dëpit du comité de sûreté générale et de l’accusateur public Fouquier-Tinville, qui ne tolérait, pas l’usage du feu dan& les maisons d’arrêt. C’était la sœur de la citoyenne Longand qui faisait mon petit ménage, et c’était une fort honnête demoiselle. Celle-ci ne pouvait s’empêcher de regretter l’ancien régime, en disant qu’avant la révolution elle était première ouvrière chez un marchand, ou pour mieux dire un fabricant d’oiseaux qui étalait sur le Pont-au-Change, et qui faisait beaucoup d’expéditions dans la banlieue de Paris. C’était ell qui teignait les serins jaunes en rouge, et qui fabriquait des crêtes de coq avec de l’écarlate qu’elle attachait ensuite avec de la colle forte sur la tête des petits moineaux. Elle avait le beau secret et l’industrie de faire éclore et d’élever des hannetons dans des chaussons de laine, afin de les revendre aux écoliers. Quand elle parlait de ses malheurs et des pertes qu’elle avait faites, on aurait dit qu’il était question de la chute des Bourbons et de la ruine des Princes de Guémenée !

On nous avait amené Mme  de Montmartre, et quoiqu’on eût pu la soupçonner de n’être pas assez défavorable au jansénisme, c’était néanmoins une fille du premier mérite et de la plus haute vertu[1]. Quand on la fit comparaître au tribunal révolution-

  1. Marie-Louise de Montmorency-Laval, Abbesse de l’église Royale de N.-D. de Montmartre, Dame et Patronne dudit lieu de Montmartre, de Barbery, Clignancourt, Saint Ouen, Charonne et autres lieux, née en 1723, condamnée à mort et exécutée le 28 aout 1795.