ché de la vie des autres… Je suis mère, poursuivis-je en m’attendrissant.
Elle demeura quelque temps sans parler. — Hélas ! ne suis-je pas mère aussi ? reprit-elle en fondant en larmes ; et je ne saurais vous exprimer avec quelle éloquence, avec quelle admirable débordement de passion douloureuse, elle me parla de sa fille ! Ce n’était plus la républicaine et la sophiste encyclopédique, c’était la femme délicate et la mère chrétienne ; c’était une douleur biblique avec toutes ses pompes de style et ses images ingénues et ses déchiremens d’entrailles ! – Je vous fais pleurer, me disait-elle en me baisant les mains qu’elle inondait de larmes.
— Ma pauvre enfant, je suis bien affligée de n’avoir à vous donner pour consolation que des pleurs stériles ; levez donc les yeux vers le ciel…
— Votre compassion me rafraichit le sang, m’encourage et m’énorgueillit, interrompit-elle ; ce qu’il y a de plus rare que les perles, ce sont les larmes des vieilles gens ; elles ne sont guère moins précieuses ; elles leur coûtent si cher !… Je ne fus pas autrement choquée de ce manque de savoir-vivre, dans lequel une personne bien élevée n’aurait jamais tombé ; car enfin, il n’était ni délicat ni poli de me rappeler ainsi mon extrême vieillesse, en s’étonnant que je n’en fusse pas comme pétrifiée.
Je n’ai jamais ni ménagé, ni voulu conserver aucune illusion qui ne fût pas de mon âge ; mais le défaut d’éducation perce toujours sous la supériorité d’intelligence et d’esprit. J’ai fait cette réflection-là bien des fois, en me rappelant cette