Comme je me portais bien je ne voulus pas abandonner cette pauvre Duchesse de Fleury qu’on avait appointée pour faire partie de cet affreux cortège et qui pouvait à peine se soutenir. Nous avions vu passer la baignoire, et personne ne nous avait insultées, si ce n’est en paroles : encore en étions-nous quittes à si bon marché que nous n’en revenions pas de surprise et de satisfaction ; mais nous n’étions pas à la fin de nos peines, et je vous dirai qu’on nous ramena par le jardin du Luxembourg, où l’on rendait un culte religieux au cœur de Marat, ce qui devenait bien autrement inquiétant pour nous que de voir passer une charogne dans une baignoire.
Je m’aperçus qu’on avait l’intention de nous faire participer à cette dégoûtante idolâtrie, par cette raison qu’au lieu de nous reconduire tout droit de la grille de la rue d’Enfer à la grille de la rue de Vaugirard, au travers du parterre, ce qui était notre droit chemin pour retourner à la rue Notre-Dame-des-Champs, qui s’appelait alors rue de Lucrèce-Vengée, on nous avait conduits par la terrasse du château, sur laquelle on voyait une espèce de reposoir avec des étendards nationaux, des bustes de plâtre et des guirlandes obligées en torsades de chêne avec force glands et des rubans tricolores à profusion. Le cœur de Marat s’y trouvait sur un autel civique, enfermé dans un précieux vase d’agate qui provenait du garde-meuble de la couronne, où le peintre David avait choisi tout ce qu’il avait pu trouver de plus beau. — « Ô cœur de Marat ! cœur sacré, viscère adorable ! s’écriait un pon-