Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/14

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malheureuse femme. Ceci va nous transporter à cinq ou six mois après ma sortie de prison c’est-à-dire au mois de décembre 1794.

Un prêtre marié, nommé Soulavie, s’en fut trouver l’Abbé de Boulogne afin d’en obtenir une lettre d’introduction auprès de moi, qui ne voulus pas le recevoir[1]. L’Abbé de Boulogne n’avait eu garde de me le recommander ; mais il avait supposé qu’une conférence avec ce prêtre apostat ne serait peut-être pas sans utilité pour nous, parce qu’il était dépositaire des Mémoires inédits de Mme Roland, où mon fils et moi nous trouvions fort maltraités. Il proposait de nous en confier le manuscrit, où nous ferions tous les retranchemens qui nous paraitrait désirables, et ceci moyennant la somme de cinquante louis.

En rémunération de son obligeance et de son estimable procédé, j’envoyai promener l’abbé Soulavie, à qui je fis répondre (par Dupont) que je ne m’embarrassais guère de ce que Mme Roland pourrait avoir dit pour ou contre moi. La terreur était passée, et quand on aurait dû publier à dix mille exemplaires que j’étais une vieille femme absurde et bigote, je n’aurais pas voulu sacrifier une patate pour empêcher une révélation qui m’inquiétait et nous importait si peu. Le citoyen Bésuchet avait imprimé de trop belles choses sur mon compte pour

  1. Étienne-Antoine de Boulogne, ancien Prédicateur du Roi Louis XVI et Prieur de Marnay, depuis Évêque de Troyes, Comte et Pair de France, Archevêque élu de Vienne en Dauphiné mort en 1826 (Note de l’Editeur.)