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Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/193

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

générations infâmes ; et la voilà qui se montre à nous souillée de meurtre !… et quelle a été sa principale victime encore ? Ô grand Dieu ! le Roi très Chrétien, l’Oint du Seigneur et le fils aîné de l’Église !… Mon ami, quand une famille est tachée de son propre sang, la mémoire de l’assassinat est ineffaçable ! la splendeur de son origine est dénaturée pour être enfouie dans un abîme de fange ; et vous verrez que son nom restera l’horreur du monde !


Il est écrit au livre de la Sagesse, et n’oubliez point ces divines paroles : « Ô mon fils n’approchez jamais de la demeure de l’impie ; la honte et la malédiction sont cachées dans ses fondements. »

Au printemps de l’année 1793, environ trois semaines après la funeste mort du Roi, il y avait dans un cabinet reculé du palais d’Orléans, deux hommes établis devant un large guéridon d’orfévrerie.

On voyait sur le tapis du velours vert qui était enchassé dans cette table, um rouleau de bons-au-porteur, un monceau de pièces d’or et des cornets fleurdelisés. De somptueux rideaux étaient soigneusement fermés à la clarté du jour, ainsi que les volets richement dorés de cette petite chambre. Elle étincelait à la lueur de cent bougies parfumées de cassia. C’était une journée radieuse, et les premiers rayons d’un soleil de printemps ; il allait sonner deux heures après midi ; mais telle était la coutume