Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
39
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

paisible et souriante[1], et puis la Vicomtesse de Maillé qui s’exhalait en lamentations et se fondait en larmes, avec toute raison, car on lui avait guillotiné son fils qui était le plus aimable enfant du monde et qui n’avait pas dix-sept ans.

Nous avions dans cette maison la consolation de recevoir tous les sacremens de l’église, par le ministère de l’Abbé Texier, Chanoine de Chartres et Chapelain de la Reine, lequel avait été arrêté dans un appartement contigu à celui de l’Évêque de Beauvais, ce qui l’avait fait soupçonner d’être suspect ; mais comme il avait déclaré s’appeler Olivier, ce qui était réellement son nom de baptême, et comme il n’était connu que de nous autres, il se trouvait en pleine sûreté. Il n’en était pas ainsi des saintes espèces eucharistiques et d’extrême-onction que nous ne savions où cacher pour les préserver de la profanation, en cas de fouilles et de perturbations jacobines, et je me souvient qu’un jour où l’on prévoyait une visite domiciliaire, nous imaginâmes de transvaser les saintes-huiles dans un flacon dont nous retirâmes du neroly, et nous allâmes jeter dans un puits le petit vase d’argent qui les avait contenues et dont la découverte nous aurait certainement fait mettre à mort à cause de sa forme ecclésiastique et parce qu’il était surmonté d’une petite croix. Voilà quelle était la liberté dont on jouissait.

J’avais imaginé de cacher nos saintes hosties dans

  1. Louise-Honorine Crozat du Châtel, Marquise de Kerman, veuve d’Étienne-François, Duc de Choiseul, premier ministre de Louis XV, morte à Paris en 1799, âgée d’environ 75 ans.