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SOUVENIRS DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

maisons voisines, et comme ladite cachette était adossée contre cette grande muraille, qui court parallèlement à toutes les façades des maisons de la rue de Sèves qui s’ouvrent au nord, elle était parfaitement à l’abri de ce côté-là, tandis que du côté de l’hôtel de Créquy, vous voyez d’ici ce grand rideau de vieux arbres qui la surmontent et qui masquaient absolument, comme aujourd’hui, ladite ruelle ainsi que toutes les maisons de la Croix-Rouge. Si le pauvre suspect voulait s’arrêter dans cette cachette, il y trouvait du biscuit de navire, avec du vin, des fruits secs et des habits d’ouvrier. S’il ne soupçonnait aucun danger pour sortir de la ruelle, il ouvrait une petite porte qui donnait dans un étroit passage aboutissant à ma maison de la Croix-Rouge, et jamais il ne rentrait par la même porte ou le même côté par lequel il était sorti.

J’avais absolument exigé cette précaution, à laquelle on s’est toujours conformé très exactement et dont on s’est trouvé le mieux du monde. Si le régime de la terreur avait duré six semaines de plus, les Argus des comités de Sûreté-Générale et de Salut-Public en auraient certainement perdu la tête ; il y avait longtemps que ces vilains esprits de ténèbres en avaient perdu le sommeil et le repos de leurs nuits ; ils avaient beau fureter depuis la fontaine de Grenelle jusqu’à la Croix-Rouge, et depuis la Croix-Rouge jusqu’à l’Abbaye-aux-Bois, ils ne pouvaient parvenir à trouver l’Abbé de Dampierre, et comme ils venaient troubler indistinctement à toute heure du jour ou de la nuit tous les habitans de ce quartier, républicains ou non, pour y procéder à leurs