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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Général. Immédiatement après la célébration de la messe ou du salut, on allait abriter les vases sacrés et la sainte Eucharistie dans notre cachette, où se trouvaient aussi tous les papiers de correspondance avec la France et l’étranger, mes diamans, vos reliquaires, un magot qui provenait de mes économies, un dépôt de quatre cent mille livres appartenant à Mme de Talmont et le trésor de notre parti qui ne tenait pas grand’place, attendu qu’on y puisait aisément et qu’on y prenait beaucoup plus souvent qu’on n’y remplaçait les pistoles et les assignats.

Il est bon de vous dire, à propos d’assignats, que notre Grand-Vicaire en avait reçu de Jerzey deux ballots énormes, et qu’il avait eu scrupule d’employer et même de garder ceux-ci, parce que M. Tourton l’avait prévenu qu’il étaient de fabrique étrangère. Il imagina de les brûler chez moi, dans sa chambre à coucher, rue de Grenelle, et comme il en résulta le feu dans sa cheminée (jugez le scandale de ce feu pendant la canicule !) il en fut démontré qu’il ne pouvait se mêler d’aucune affaire d’assignats sans nous faire arriver malheur. J’ai peut-être oublié de vous dire qu’après sa mission charitable à l’Hôtel-Dieu, Mlle Dupont avait été conduite à la prison de la Bourbe, où elle n’a fait autre chose que de pleurer jour et nuit en vous tricotant des chaussettes de soie. Vous étiez pendant ce temps-là chez Mlle Favereau, où vous pleuriez à peu près autant que votre bonne Dupon, parce que vous la demandiez inutilement toute la journée ; votre père était prisonnier aux Madelonettes, ma belle-fille était dans sa villa du canton de Bâle, et