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SOUVENIRS

Roi et de la Reine quand ils me virent ; ils me firent bien des questions sur les personnes dont je pouvais leur donner des nouvelles. Madame et Monsieur le Dauphin me reçurent avec une amitié touchante, m’embrassèrent et me dirent que nous ne nous séparerions plus.

« Une demi-heure avant le départ pour le Temple, Madame Élisabeth m’appela, m’emmena avec elle dans un cabinet et me dit : ma chère Pauline, nous connaissons votre discrétion et votre attachement pour nous. J’ai une lettre de la plus grande importance dont je voudrais me débarrasser avant de partir d’ici ; aidez-moi à la faire disparaître. Il n’y avait ni feu ni lumière ; nous prîmes cette lettre de huit pages ; nous en déchirâmes quelques morceaux que nous essayâmes de broyer entre nos doigts et sous nos pieds ; mais comme cela devenait trop long, et qu’elle craignait que son absence ne donnât quelques soupçons, je pris une page entière de la lettre ; je la mis dans ma bouche et je l’avalai. Cette bonne Madame Élisabeth voulait en faire autant, mais son cœur se soulevait ; je m’en aperçus et lui demandai les deux autres pages que j’avalai encore, de manière qu’il n’en resta plus de vestiges. Nous rentrâmes, et l’heure du départ pour le Temple étant arrivée, la famille royale monta dans une voiture à dix places composée de la manière suivante :

« Le Roi, la Reine et Monsieur le Dauphin dans le fond ; Madame Élisabeth, Madame, et Manuel, procureur de la commune sur le devant ; la Prin-