Page:Créquy - Souvenirs, tome 8.djvu/9

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ses autres camarades de la Conciergerie. – Oh ! non, je n’ai jamais été malfaisante à l’égard de personne, et l’on n’aura pas le courage de me faire mourir ! – Ah, citoyen ne me tuez pas ! je vous en supplie ! faites-moi grâce… allez demander grâce pour moi, criait-elle au bourreau qui se crut obligé de faire monter sur l’échafaud deux de ses aides, afin de maitriser sa résistance. Il est à remarquer que c’est la seule personne connue qui soit morte avec lâcheté.

Mme Roland était ma plus proche voisine, et le guichetier me dit un matin qu’elle demandait à me parler. – Mais, répliquai-je, est-ce que les prisonnières de Sainte-Pélagie peuvent communiquer entre elles ? et dans ce cas là ne pourrais-je pas voir ces Dames avec lesquelles je suis arrivée ? Elles ne sont pas du même corridor que toi, me répondit le porte-clefs, et d’ailleurs la Citoyenne Roland mérite bien qu’on la traite un peu mieux que vous autres ! Il parait que cet homme avait été protégé par les Roland ; il fournissait du papier, des plumes, de l’encre et des journaux à ma voisine, et l’on voit qu’il se chargeait de faire ses commissions.

Le lendemain, dès le point du jour, j’entendis ouvrir ma porte, et je vis, au lieu de la figure de notre guichetier, une tête de femme qui s’avançait assez discrètement, en disant : – Citoyenne, m’accorderiez-vous l’avantage de vous entretenir ? Je ne change rien à cette formule de Mme Roland. – Entrez, lui dis-je, entrez, madame ; et comme la seule chaise du mobilier était couverte de mes hardes, elle vint s’asseoir sur le pied de mon grabat.