Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/111

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boit du thé par là-dessus. Les femmes ne s’embrassent plus, elles ne se lèvent pour saluer personne et ne se reconduisent pas. On dit que Mme de Luynes a reçu le citoyen Talleyrand chez elle, et que Mme d’Albert s’est mise à le reconduire pendant que sa belle-sœur était à sa table de jeu. Il a bien vu la malice et n’a rien dit de peur de s’attirer quelque monseigneur et quelque déclaration sur la convenance et l’usage d’accompagner un évêque jusqu’à la première porte. — Vous nous quittez bien vite, avait-il dit la veille à Mme du Bourg-Crômot : — Comme il faut faire son salut, je vais au salut. — Vous dites que… vous allez au salut ? Oui, Monseigneur !

Les temps sont tellement changés que si j’avais le plaisir et l’avantage d’aller faire une visite à Mme Inguerlot, son mari ne me reconduirait certainement pas jusqu’à mon carosse. Quand la vieille femme du procureur Moreau venait me quêter pour son œuvre des enfans-trouvés, M. de Créquy l’accompagnait toujours, chapeau bas, jusqu’à sa voiture de louage, et votre grand-père était un homme d’une autre étoffe qu’un fournisseur. Si je vous ai parlé de cet Inguerlot, c’est parce qu’en recevant dans son cabinet la Duchesse de Choiseul et la Princesse d’Hénin (qui avaient à lui parler d’affaires), il ne s’était seulement pas soulevé de son siège !

Vous pouvez bien supposer que, dans un temps pareil à celui-ci, Mme de Staêl ne saurait manquer à se faire de fête. La première chose qu’elle a faite après l’ascension de Buonaparte au consulat, c’est de lui avoir fait dire que le peuple français redevait douze cent mille livres à la famille Necker, et que