Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/233

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que les besoins de la république ont nécessitées ; mais malgré tout cela, comme mon patriotisme et mon civisme m’ont obligé de faire plusieurs dénonciations très graves, tant à la commune, qu’à la mairie et au comité de sûreté générale de la Convention nationale, contre quelques aristocrates et intrigans de la section de la Cité, qui vouloient et qui espèrent introduire un nouveau despotisme mille fois plus dangereux à la république que celui que nous avons si glorieusement terrassé et anéanti ; alors, ces messieurs, s’érigeant en juges et parties dans leur propre cause, et voulant se débarrasser de moi, à quelque prix que ce soit, ils m’ont fait arrêter et écrouer à Sainte-Pélagie, sous toutes sortes de fausses dénonciations, et en prétextant surtout qu’étant un ci-devant noble, je ne pouvois être qu’un homme fort suspect ; alleguant en ontre, que je ne jouis que de quatre cents livres de revenu ; que j’ai fait des dépenses et des charités sur la section de la Cité bien au-delà de mes facultés, et que je ne puis avoir puisé mes ressources immenses que dans les bourses des émigrés, et par des vols et des escroqueries ; mais je prouverai que je puise mes ressources dans les cœurs et les bourses intarissables de bons et généreux citoyens et citoyennes, républicains qui connoissent mes infortunes non méritées, et mes légitimes prétentions et réclamations bien prouvées, et pendantes aux tribunaux de Paris ; enfin, ils poussent l’injustice et l’inhumanité jusqu’à empêcher qu’on me fasse subir un interrogatoire, ni que personne ne puisse approcher de moi pour me tendre aucun secours humain, parce qu’ils redoutent eux-mêmes ma justification, qui doit faire connoitre leurs crimes et mon innocence ; mais j’implore à grands cris la protection de la loi, des tribunaux et de tous les bons sans-culottes républicains, pour que je sois promptement interrogé, que les coupables tombent sous le glaive de la loi, et que l’innocent soit reconduit en triomphe chez lui, avec le bonnet de la liberté et la couronne civique sur ta tête.

L’infortuné Alexandre Crequy-Montmorency, vétéran et prisonnier à Sainte-Pélagie, le 6 septembre 1795, l’an deuxième de la république une et indivisible.