Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/239

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vétéran et bon républicain, doivent à jamais être gravés dans les vôtres.

« Ô mes fils ! mes chers fils ! (m’écriai-je du fond de mon obscure et triste prison) que votre aveugle courroux ne vous fasse jamais rien entreprendre d’indigne de vous et de moi et sachez que mes plus cruels ennemis et les vôtres sont ceux de la république, puisque ce sont eux qui, en vous éloignant de moi pour le service de la république, m’ont plongé dans les fers et couvert d’ignominie, pour nous désespérer tous et nous engager, s’ils pouvoient, à tourner nos armes contre nos frères et contre la république même, et servir par là leurs criminels desseins pour nous perdre ; mais non, mes chers fils, nous sommes incapables, vous et moi, de tomber dans les pièges grossiers que leurs perfidies nous tendent pour les servir en nous perdant ; et vous sentez sans doute tous deux, comme moi-même, que vous ne pouvez me venger glorieusement et complètement qu’en restant inviolablement fidèles sous les sacrés drapeaux de la république, jusqu’à ce que vous ayez exterminé tous ses ennemis, tant au dehors qu’au dedans.

« Peut-être, hélas ! ne recouvrerai je ma liberté que le jour où vous reviendrez dans la capitale tous triomphans et couverts d’une gloire immortelle, sous les glorieux et victorieux étendarts invincibles de la république ; hé bien, mes chers fils, cette idée seule doit vous suffire pour vous engager à redoubler vos efforts pour exterminer promptement tous nos ennemis communs ; d’ailleurs soyez bien persuadés que si même je recouvre ma liberté avant cette glorieuse époque, il n’y aura pourtant pour moi ni joie, ni repos, ni bonheur, ni félicité parfaite, qu’au jour tant désiré d’un triomphe et d’allégresse générales et inaltérables pour toute la république ; et si je dois mourir avant que de pouvoir jouir avec vous tous de ce précieux bonheur, ne faites donc au moins rien qui puisse nous ravir celui dont je me flatte que vous jouirez après ma mort, d’entendre dire par tous les bons républicains et leurs augustes représentans, qui vous montreront au peuple françois et aux nations étrangères, en leur disant :

« Vous voyez tout à la fois en ces deux jeunes guerriers républicains les vertueux défenseurs et vengeurs de la république