Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/61

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armée docile à ma voix ? Ai-je toujours porté les armes et servi sous le harnais depuis l’âge de seize ans ? Ai-je gagné la bataille de Coutras ? Eh mon dieu, non ! je me trouve dans un coin de l’Italie. Une grande partie de ceux qui militent pour moi ne m’ont jamais vu. Je n’ai fait qu’une campagne dans laquelle on a à peine tiré un coup de canon. Mon. inactivité m’expose à des jugemens défavorables de la part de ceux, qui me sont restés fidèles, jugemens que je ne peux pas appeler téméraires parce que ceux qui les portent ne sont pas instruits de la vérité. Puis-je conquérir ainsi mon royaume ? Et supposé que mes fidèles sujets obtiennent un tel secours que je n’aie qu’à me présenter pour recevoir ma couronne, pourrai-je acquérir par là cette considération personnelle qui me serait si nécessaire ?

« On vous dira, peut-être, que si les succès de Monsieur me promettent une entière sécurité, on me conduira dans mes États ; mais cela signifie uniquement que l’on m’y fera venir lorsque les grands dangers seront passés. Dieu m’est témoin, et vous le savez, mon cher Duc, vous qui connaissez le fond de mon cœur, que j’entendrais répéter avec la plus vive et la plus tendre satisfaction ce cri des Israélites : « Saül a tué mille combattans et David dix mille ! » Mais ma joie comme frère, ne fait rien à ma gloire comme Roi, et je le répète, si je n’acquiers pas une gloire personnelle, mon règne sera peut-être tranquille par l’effet de la lassitude générale ; mais il ne sera