Page:Crawford - Insaisissable amour, av1909.djvu/182

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Le soleil descendait derrière les montagnes de l’ouest, et l’eau sombre, dans laquelle il replongea silencieusement ses avirons, était calme et unie. Pendant quelques minutes il continua de ramer sans parler. Mamie regardait l’eau, en laissant traîner sa main blanche dégantée dans ce miroir limpide.

« Je te remercie, Mamie, » dit-il enfin, très doucement et très affectueusement.

Le silence régna de nouveau pendant qu’ils avançaient rapidement par ce crépuscule empourpré.

« Et toi, m’aimes-tu ? » demanda la jeune fille en levant furtivement les yeux vers lui, puis rougissant et fixant encore ses regards sur les profondeurs du fleuve. George tressaillit légèrement. Il ne s’attendait pas à cette question.

« Oui, certainement, je t’aime, » répondit-il.

Il crut entendre un soupir dans la brise du soir.

« Je t’aime davantage tous les jours, » ajouta-t-il tranquillement, quoiqu’il sentît qu’il était très loin d’être calme.

Il disait vrai : chaque jour il s’attachait davantage à Mamie et elle commençait à prendre la place que Constance avait occupée dans ses actions sinon dans ses pensées. Mais dans cette affection croissante pour elle, il n’y avait pas une étincelle d’amour, et la découverte qu’il venait de faire le troublait extrêmement. Il n’avait jamais eu rien à se reprocher dans ses relations avec Constance Fearing, mais il s’accusa alors d’avoir trompé l’innocente jeune fille qui l’aimait et de lui avoir par une insouciante question arraché l’aveu de son amour. Il se rendit compte qu’il avait pris la place de Constance et que Mamie avait pris la sienne ; il avait été inconsidéré dans ses paroles