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pendant laquelle elle continuait à s’agiter nerveusement en l’air. Des personnages prenaient forme au milieu du chaos, et des noms venaient résonner à l’oreille complaisante de l’écrivain. La situation à laquelle il avait pensé d’abord s’était tout à coup transformée, l’action s’élargissait, absorbant les choses déjà pensées et s’étendant à chaque instant. Des chapitres étaient préparés maintenant comme s’ils eussent été déjà écrits et à leur place. Un détail ici, un autre là, un coup d’œil sur le tout, un ou deux noms prononcés tout haut pour voir quel son ils avaient au milieu du silence, une pause d’un moment, encore une feuille de papier, et George se trouva lancé sur le premier chapitre d’un nouveau roman, oublieux de Grâce, de Constance, même de la pauvre Mamie, et de tout ce qui s’était passé deux ou trois heures auparavant.

Il écrivait, travaillant avec un intérêt passionné, absorbé par l’expression de ses pensées. Ce qu’il faisait était clairement exprimé, harmonieusement composé. Au moment où il faisait son plan et où il écrivait le commencement de son histoire, bon nombre de gens intimement liés à sa vie souffraient tous plus ou moins cruellement, et c’était lui qui était la cause directe ou indirecte de leurs souffrances. Il n’était ni cruel, ni malveillant, ni égoïste, mais pour la première fois il était totalement oublieux du monde extérieur et, sinon heureux, du moins profondément intéressé par ce qu’il faisait.

À la même heure, Sherrington Trimm pâle et nerveux, continuait sa promenade sans fin dans la petite salle du club où George l’avait laissé, essayant de maîtriser sa colère avant de rentrer chez lui et d’avoir avec sa femme une inévitable