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ces conditions, il ne pouvait se dispenser de saluer l’ennemi de son père, qui sans doute était instruit de ses nombreuses visites. George leva poliment son chapeau et allait passer outre, mais, à sa grande surprise, le vieux gentleman l’arrêta et lui tendit sa main fine, étroitement serrée dans un gant jaune-paille. Il se permettait certaines exagérations de toilette qui, toutefois, n’étaient pas trop déplacées chez lui.

« Vous êtes bien George Wood ? » demanda-t-il.

George fut frappé par le son désagréable de cette voix, que son interlocuteur avait pourtant l’intention évidente de rendre plus agréable.

« Oui, monsieur Craik, répondit le jeune homme encore un peu embarrassé par la soudaineté de la rencontre.

— Je suis aise de vous voir. Vous avez été bien bon de venir prendre de mes nouvelles quand j’étais malade ; je vous remercie. Cela dénote un bon cœur. »

Tom Craik était sincère et sur le parchemin qui recouvrait ses traits fatigués et dans cette voix cassée, George chercha en vain la trace d’un rire moqueur. Le jeune homme éprouvait un vif sentiment de remords. Ce qu’il avait voulu faire comme un reproche avait été mal compris et à présent on l’en remerciait.

« Je vous hais et j’ai demandé de vos nouvelles dans l’espoir qu’on m’annoncerait votre mort. »

Ces mots étaient dans son esprit, il s’entendait presque les prononcer, mais il ne pouvait les dire. Une rougeur de honte lui monta au visage.

« Il m’a paru tout naturel d’aller prendre de vos nouvelles, » dit-il après un moment d’hésitation. Cela lui avait semblé tout naturel, il s’en souvenait.