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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/139

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lourd flux et reflux de vos refrains de fonte, dans la nuit fragile que protège, seul, à l’ombre des paupières de drap bleu, l’œil clignotant et veilleur du gaz, le rythme dur de votre espoir vagabond, et entre une saccade et une reprise rauque, vos temps de pause, voilà les vraies chansons du départ. Semblable à quelque brume sur votre rythme inexorable, la respiration fragile des créatures endormies. Le positiviste, posément étendu sur sa banquette, ronfle à petits coups réguliers. La négresse rit dans ses songes, et l’enfant qui devient femme, entre l’état de veille et le sommeil, entre la terre et le ciel, écoute s’éloigner le temps, mais ne peut imaginer quelles paroles seraient justement scandées par ce train qui se précipite tête-bêche dans les tunnels du futur.

Elle ne sait plus rien, mais demeure inapte à prévoir.

Des flancs de l’obscurité, plus tard renaîtra le nègre, dont la seule oreille qu’on voit se trouve prolongée par une topaze. Il s’appelle Avenir. Par la portière il a jeté les habits rococo, dont on l’avait affublé. Dans le lot des voyageurs il va choisir le plus digne de ses muscles, de sa zézayante mélancolie, et de sa boucle d’oreille. Déjà sa main effleure une nuque. Mais sa sœur aînée, une