Aller au contenu

Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

négresse aussi, elle a nom Mémoire, jalouse, parce que l’inceste, selon les rapports de Mac-Louf, est monnaie courante au pays d’Afrique, de ses mains traîtresses serre un cou marron et mauve. Avenir qu’on assassine dans le silence, corps de nègre, qu’on précipite d’une nuit en marche, cela ne fait guère de bruit, guère de tache. Personne jamais ne saura le crime de Mémoire. Elle a les membres souples, et le 100 à l’heure ne l’empêche point de sauter d’un pied léger sur la voie. Libre dans le matin, elle rit de voir le serpent d’acier et de fer se précipiter au néant. Pour ajouter à sa joie, à paumes plates, elle frotte le bout de ses seins du noir le plus vierge, et accompagne ce mouvement rotatoire de paroles difficiles à traduire :

Ho la rio to atcho palaïo
Aïo la mïo vokno Rotadcho
Digo mugo rudou banaïou.

Tout le poids de son crime et de son corps reposant sur le pouce d’un pied, elle va, en pointes tourbillonnées, jusqu’au cimetière. Là des fleurs de perles qui poussent à même les tombes, elle fait un bouquet. Quel éclat, créature d’inexorable onyx sous cette végétation de deuil. Les bras lourds de pensées géantes, de palmes du vert le plus cru,