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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/177

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de grisaille et d’ennui pour une région d’amour et de feu. Alors, il nous faut des terrasses, des terrasses où nous promener, nous baigner en pleine lumière, en plein rêve. Des terrasses et même, pourquoi pas, des jardins suspendus autour de la maison, et ce ferait une propriété que nous appellerions Babylone. Babylone. Qu’en dites-vous, cher Alfred ?

— Beau nom, certes. Mais n’est-il point quelque peu sonore, Amie ?

– Sans doute, mais digne de nos pergolas, nos escaliers, nos points de vue, notre joie présente, nos extases à venir. J’ai retrouvé une fille, un gendre et les voilà voguant vers la mort peut-être. Suis-je donc une femme sans cœur que jamais de ma vie, je ne me suis sentie à tel point lyrique, inspirée ? N’était cette mode ridicule, mon deuil et ma robe étroite, Alfred, pour vous, je danserais dans le couchant. Babylone, Babylone, nous allons vivre à Babylone…

Babylone.

À la même minute, d’une même angoisse, voilà que se mettent à frissonner un ex-magistrat à barbe blonde, une jeune fille. Il y a un incendie là-bas sur la mer. L’horizon est tendu d’un fil brûlant de pourpre, et le ciel est taché de sang.