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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/186

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l’amour, abandonne son corps à la folie de dix vieux doigts fourrageurs, tandis qu’une voix hurle : « La viande, la belle viande blanche ».

On prétend qu’Amie est devenue folle.

Tous les dimanches, Petitdemange, inconsolable, va la voir. Elle lui demande des nouvelles de Babylone. Quand donc sera fini le palais de leurs amours ? Elle veut, dans le grand salon, un trône doré à plusieurs places, parce qu’elle n’est pas égoïste. La Reine et elle s’y assoiront, et entre elles deux, ce cher Alfred. Mais à part Babylone, le monde, le reste du monde, comment va-t-il ? Sa petite-fille doit être une femme maintenant. Dites, Alfred, répondez. Est-elle femme ?

Femme, oui, une femme, Amie, votre petite-fille est une femme, la femme vêtue de toile bise et couronnée de paille naturelle. La ville elle-même ne la tente plus, et cependant, parce qu’elle ne s’autorise point de son indifférence pour céder aux mirages du sommeil, du repos, ces oasis, elle continue d’aller, comme si, une fois franchi le seuil de lassitude, son acharnement à ne point s’arrêter, dans la fatigue, savait encore trouver ses raisons.