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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/187

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Dédaigneuse d’un choix, d’un lieu de halte, jamais elle ne se demandera à quoi ou à qui, finalement la mènera le chemin tant de fois parcouru, dont le plus désintéressé des êtres habituels voudrait au moins tirer notion d’une consolante éternité. Mais parce que des espérances, des hantises communes à la masse, plus rien déjà ne la peut mesurer, ses pieds, dédaigneux des méandres des morales opportunes, ont voué une complète obéissance à d’invisibles gulf streams, dont ils deviennent, pour les suivre, les souterrains mystères.

D’où la sécurité de ses mains vides, la liberté de ses jambes que n’encourage aucun but. Nul besoin de se justifier ne l’alourdit. Une cuirasse méprisante la protège du temps et de l’espace, et, pas plus que la chanson monotone des rues, elle n’entend les cris des heures, ces grands fauves, que ses voisins de trottoir, les hommes, continuent, mais vainement, à tenter de domestiquer. Elle voit des trous incompréhensibles, à la place des horloges sur les murs, des montres à la vitrine des bijouteries, au seuil des bazars. Compter n’est pas son fait, non plus que la ville un cadran. Elle est celle que la faim ne creuse, ni la colère ne hérisse, ni l’ennui ne désagrège. Invulnérable, sans que besoin eût été de la prendre par le talon et la plonger dans