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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/62

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Primo, elle avait un caractère, cette fille. Des jours une vraie chipie, d’autres on était à tu et à toi, si bien qu’on ne savait jamais sur quel pied danser. Et puis elle aimait trop la vadrouille. Pour l’excuser, je cherchais des raisons : C’est une anémique, que je me disais. Le fait est qu’elle vous avait des mines de papier mâché. Dame, on a beau se coller plein de rouge sur la margoulette, lorsqu’on gigote jusqu’à des trois heures du matin… à Paris tous les soirs bal et rebal, je te danse et je te redanse. Bien souvent elle ne rentrait pas avant potron-minet et, le dimanche après-midi, pour se reposer, le cinéma. Quand on est venu ici, elle a pris des airs, à croire qu’elle avait tout à fait perdu la boule. Est-ce que j’étais sa mère pour l’empêcher de verser à pleines cuillerées du vinaigre dans tous ses plats ? C’est comme pour la moutarde. Elle en étalait des épaisseurs sur son pain, mordait au beau milieu d’une tartine, de quoi faire éternuer tous les diables, et se mettait à pleurer comme une Madeleine. La vie est déjà bien assez triste sans qu’on se force à manger des choses qui vous tirent les larmes aux yeux. Mais allez faire entendre raison à cette butée. Un jour, je suis rentrée dans ma cuisine comme elle suçait un morceau de charbon, un autre, c’était à n’en pas croire ses yeux, elle