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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/90

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neuse. Mais le moyen de l’empêcher de juger tout bas : Petitdemange et maman, des fiancés, mais pas des amoureux… Et de songer encore, toujours, au père, à Cynthia, M. Couteau et Mlle Fourchette. M. et Mme Phosphore, qui dansaient légers, légers, à la crête des rêves, la nuit…

À la vérité celle qui, selon la formule ancillaire, a tout manigancé, ne semble, elle-même, point trop satisfaite de son ouvrage. Elle a beau s’extasier : « sont-ils délicieux ! » la conviction n’y est pas. Bien plus, elle est à trois doigts de la neurasthénie. Jusqu’à ce jour, pas une minute de son existence qui n’ait eu son but, sa joie, sa colère. Or la voici en train de faire connaissance avec l’ennui. Le temps coule insaisissable et monotone. Elle doit s’avouer son vague à l’âme. Et le vieux positiviste de mari qui file si doux qu’elle ne trouve pas le moyen de reprendre la controverse commencée le soir du cambriolage. Elle se compare au créateur, mais à un créateur qui n’aurait pas eu besoin de six journées pour achever sa besogne. Son travail tôt fini, devant soi, jusqu’à la consommation des siècles, ne demeure que la perspective d’un interminable dimanche.

Ainsi, peu à peu, en vient-elle à se dire qu’elle a été dupe. Elle a cru donner à l’univers sa loi, et