des Russes pour ceux qu’ils appellent les Occidentaux, je remerciai Cyrille de ses bonnes intentions, mais n’osai lui avouer qu’avec sa coiffure trop consciencieuse, ses guêtres claires et son monocle, il avait, malgré la nostalgie du sourire, les airs d’un Parisien très parisien. Certes il maquillait les mots d’un léger accent, mais tour à tour cet accent était celui de Londres, où lui valut d’être élevé le second mariage de sa mère ; de Munich, où il eut sa première maîtresse ; de Vienne, où il passa dans un étrange lupanar la nuit anniversaire de ses vingt ans ; de Cadix, où il s’aperçut qu’il ne pourrait jamais devenir un grand poète ; de Pétrograd, où le regard d’un de ses amis, un jour qu’ils se promenaient emmitouflés dans leurs fourrures, lui valut de comprendre qu’un homme peut être désiré par un autre homme, réellement ; de Capri, où son beau-père, lord Norfold qui avait pourtant beaucoup voyagé lui montra le plus splendide garçon qu’il eût jamais rencontré ; de Montmartre, où il dîna (place du Tertre) avec Scolastique Dupont-Quentin avant de l’emmener en Suisse pour en faire Cyrilla Boldiroff.
Je n’étais évidemment point venu dans l’intention de disputer à ce jeune Russe les droits qu’il avait sur la fille de mon ancien professeur de philosophie. Or comment ne point trouver gênante sa question : « Qu’avez-vous fait ensemble ? Si vous vous êtes contentés de bavarder, vingt roubles d’avant la révolution que l’amour fut votre unique sujet. »
Au reste, il ne prit point la peine d’écouter notre réponse ; son exigence était celle des indifférents. Mais Cyrilla crut sans doute que Boldiroff, en nous demandant l’emploi de