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LE CYGNE DE PAU


La couleur ne peut naître que de la couleur.

De la chaux monacale au ripolin blanc des cliniques, le prisme n’est guère varié. N’empêche que nous la font au bleu ciel les scribouilleurs de la rubrique poésie, chaque fois qu’ils évoquent l’une ou l’autre des entités de la mythologie chrétienne : Résignation et Virginité.

Le paradis est une Olympe désossée, sans rien de solide que tel vieil hymen en peau de tambour. Sur cette membrane sclérosée se réfugient les anges gélatineux, trop contents d’avoir leur radeau de la Méduse. Le merveilleux ne trouve preneur à moins d’être de bon et authentique style Saint-Sulpicien. Et voilà bien les premières amours à quoi l’on revient toujours.

Écoutons plutôt Mallarmé :

La lune s’attristait, Des séraphins en pleurs
Rêvant, l’archet aux doigts dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles,

Il n’y a qu’à joindre, bout à bout, ces vers, pour avoir le début d’un roman à mettre entre toutes les mains.

Les vraies-jeunes-filles-consommatrices-de-Pilules-Pink souligneraient (d’un crayon rose) ces beautés initiales, les demoiselles-affranchies-et-qui-sucent-dans-les-