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coins estimeraient, sentencieuses, que « c’est bien écrit quoique ça fasse un peu « coco », et l’étudiant-de-philosophie-qui-n’a-pas-de-préjugés-et-a-entendu-parler-de-Freud découvrirait, à l’archet ou doigt, un arrière-goût de masturbation.

Par la faute des séraphins en pleurs, nous retombons dans des moiteurs de mains tripoteuses, ou fond des poches volontairement déchirées. Bien la peine pour un poète d’avoir aussi altière réputation. Ne vont rien gagner à l’affaire les transparents glaciers des vols qui n’ont pas fui. Le papa Mallarmé s’est donné bien du mal pour pas grand-chose. Il a eu beau s’esbigner à saupoudrer de strass le sexe d’un faune en chaleur, l’histoire d’Antoine et Cléopâtre, des narines un peu subtiles (les miennes, pardi, puisque je suis, avec votre permission, olfactif de naissance, un olfactif distingué) n’en reconnaissent pas moins cette bonne vieille odeur littéraire de couille en papier mâché, de foutre à l’encre (pas encore Waterman) de pubis hérissé de plumes Sergent-Major.

Aux angles de cette géométrie givrée, nul risque de se blesser. L’écume inconnue et les flots, les grands trous bleus que font méchamment les oiseaux dans le ciel ne constituent ni des tentations, ni des menaces bien dangereuses.

Le poète-professeur doit inspirer aux foules la même confiance que ce soldat-laboureur sous l’égide duquel s’est mis un bazar de l’avenue d’Orléans.

Rue de Rome la chair est triste, hélas ! Et comment ne le serait-elle pas lorsqu’on a lu tous les livres, lorsqu’on se cuirasse d’une redingote, style tuyau de poêle, s’emmitoufle dans le plaid (immortalisé par la photo de Nadar) et les fumées de tous les trains qui, eux, savent au moins quitter la gare Saint-Lazare.

Alors, d’évoquer le vierge, le vivace et le bel, mais basta, le cygne par la faute de Mallarmé et celle de ses contemporains, devient animal domestique, symbole d’une pucellerie conservée, comme le dîner de la veille, dans le Frigidaire. D’autres