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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/133

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d’une force majuscule (appelez-la Dieu ou Nature) qui, nous ayant mis au sein des médiocrités terrestres, emporte dans sa trajectoire, plus loin que ce globe d’attente, les seuls courageux.

On se suicide, dit-on, par amour, par peur, par vérole. Ce n’est pas vrai. Tout le monde aime ou croit aimer, tout le monde a peur, tout le monde est plus ou moins syphilitique.

Mais en fait pourquoi ne verrais-je pas dans le suicide un moyen de sélection ?

Se suicident ceux-là seuls qui n’ont point la quasi universelle lâcheté de lutter contre cette sensation d’âme déjà nommée, si intense qu’il nous faut bien jusqu’à nouvel ordre la prendre pour une sensation de vérité.

N’est vraisemblablement juste ni définitif aucun amour, aucune haine. Mais l’estime où, bien malgré moi et en dépit d’une despotique éducation morale et religieuse, je suis forcé de tenir quiconque n’a pas eu peur et n’a point borné son élan, l’élan mortel, chaque jour