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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/146

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sécurité qui m’aide à reprendre avec plus de courage la suite de mes jours. Comme on a besoin de manger et de boire, oui, j’ai besoin d’être sûr. Sûr de n’importe quoi. Sûr, par exemple, que la patronne de l’hôtel dont le corps semble lourd sous la blouse est enceinte et qu’elle accouchera d’un garçon, que ce garçon deviendra militaire, mourra général. Être sûr du plus infime, du plus stupide, mais être sûr.

Or, à sentir que mon incertitude a fait tout le mal et combien, momentanément, elle me serait moins pénible, si d’autres l’entouraient miroirs déformants et dans lesquels, à la fin, elle ne se reconnaîtrait plus, pourrais-je n’excuser point ce désir qui pousse les hommes à se perdre dans la foule ?

Grâce à certains points de comparaison, l’individu néglige tout ce qui le fait différent des autres. Il arrive à ne saisir que des similitudes, et croit qu’il ne va plus souffrir, parce qu’il ne sent plus rien de précis dans sa