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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/147

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douleur. Mais cet individu qui croit à l’unité des masses dans lesquelles il s’obstine à vouloir se perdre n’est même pas l’indivisible. Il parle de larges synthèses humaines et son être n’est pas une synthèse achevée. Ainsi la solitude ne m’offre point cette sensation d’unité dont j’attendais le réconfort pour mon orgueil en quête. Et, tout de même, qui de nous, souvent, n’a pas feint de se croire défini pour mieux éviter la peur des rêves, des désirs qui prolongent ? On m’a jadis conté l’histoire d’un certain Bucéphale que son ombre effrayait. Certes, le cheval d’Alexandre permettrait de bien faciles symboles. Or j’ai beau ne pas vouloir me servir d’une image aussi complaisante, je ne puis oublier le jour où me fut dénoncé, voisin de l’être que je m’étais cru, visible et précis, son jumeau, mon jumeau de velours noir insaisissable et fuyant. Une projection qui me rejoignait par le mystère fragile de je ne sais quelle charnière me continuait en caricature