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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/179

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montées jusqu’à mes yeux, maintenant coulent. Aucun corps ne se tend. Deux fois cinq petits doigts avaient espéré percevoir enfin par leurs sommets sensibles une réalité humaine, une réalité apte à secourir une tristesse qui ne savait pas encore très bien, une tristesse qui avait peur.

Depuis...

Mais n’est-ce point le mépris de la chair que j’ai rencontré chez tous ceux qui vécurent par elle, pour elle, et en furent les victimes ?

Petit voyou à la nuque rasée, au cou si blanc à l’ombre rouge d’un beau foulard, qui attendiez derrière un verre de fine l’ami qui vous aidât à oublier la pluie et la solitude d’une nuit, l’ami dont vous ne vouliez pas qu’il vous payât. « Sweet pimp », disait-il, ce client d’un soir. Des soldats américains vous avaient appris un peu d’anglais pendant la guerre, et vous traduisiez « gentil maquereau » et vous fâchiez : « Non, je ne suis pas un