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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/210

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parce que le sommeil dont on a coutume de dire qu’il est l’image de la mort, réservant les surprises des rêves, après une nuit de cauchemars ou d’amours extra-terrestres, il ne m’est guère possible de croire que la mort puisse être une évaporation, une descente au néant. J’ajoute que d’ailleurs la notion du néant a pour moi toujours été inconcevable. Peut-être est-ce encore une lâcheté et que, n’ayant pas trouvé mon compte dans les aventures humaines qu’il me fut donné de parfaire, je m’obstine à penser que l’agrégat qui porte mon nom (petit tas d’os, volontés inconciliables, papilles à jouir, organes à percevoir, l’intelligence le jour, les rêves la nuit) ne peut se dissiper avant d’avoir brillé de quelque éclat.

J’avoue d’autre part que, si je tiens à la vie tant que je la juge précaire, je la trouve fort négligeable dès que je l’imagine projection terrestre d’une marche éternelle.