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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/209

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Moi-même ?

Ou plutôt un petit tas d’os, de volontés inconciliables, de papilles à jouir, d’organes à percevoir.

Dans la journée, sous prétexte d’ordre, l’intelligence coupe les plus vigoureuses branches, les plus touffues, les plus salutaires. Critique et destruction. Elle fait une roue sans plumes et n’accepte de s’endormir qu’après avoir éparpillé toutes les petites chances de bonheur.

La nuit il y a le prolongement des rêves.

Ce prolongement est à la fois un secours et une raison de désespérer.

Secours, parce que l’esprit fait le seul voyage capable d’enrichir. J’entends que, grâce aux rêves, j’ai appris à douter de ce qui est facile à voir, à prendre, à sentir, à manger, à embrasser, et grâce aux rêves j’ai appris à chercher mon bonheur en d’impondérables sensations, bouquet dont je permets de rire.

Raison de désespérer,