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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/219

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quelques années un trop beau spectacle pour que nous ayons le courage de nous retirer. Cette curiosité donnée comme raison d’une perpétuelle attente ne fut-elle pas d’ailleurs de tout temps aussi plausible, et n’y a-t-il pas eu au long des siècles des hommes qui se disaient, comme moi aujourd’hui, que s’ils n’étaient pas résignés à de simples bonheurs et cependant acceptaient de continuer à vivre, c’est qu’ils espéraient le miracle d’une harmonie prochaine ? Aussi parfois suis-je bien forcé de croire que seules ma déception passée, ma lâcheté présente et l’impuissance à renoncer où je demeure malgré tout me poussent à forger encore des rêves. Mon intelligence pourtant est grande et claire. C’est en elle que j’habite, c’est d’elle que je vois. Mais les vitres tristes qui la défendent contre le froid et le chaud, la pluie et le soleil, condamnent à l’anémie mon corps et mon cœur. C’est, perpétuel, derrière l’intelligence et ses frontières, un exil. Nous voulons vivre. Nous