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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/62

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à ne rien voir du spectacle nouveau qu’ils négligent dans un docile espoir de recommencements, dont au reste nul ne leur saurait suffire.

Pour moi, tout ce que j’ai appris, tout ce que j’ai vu, ne travaillera qu’à mon ennui et à mon dégoût, si quelque nouvel état ne me vaut l’oubli des détails antérieurs. Dès lors comment ne point baptiser ennemie une mémoire aux rappels obstinés ?

Et puis rien ne se peut exprimer de neuf ni d’heureux dans un chant déjà chanté. Les lettres, les mots, les phrases bornaient nos avenues, nos aventures. Lorsque je leur ai demandé de définir mon présent, ils l’ont martyrisé, déchiqueté.

Bien plus, je n’avais recours à eux que parce que je doutais de ce présent.

Et certes, lorsqu’il s’agit de parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’un désir de certitude né de quelque doute au fond.