Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/68

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à la branche. J’ai dit que toutes ces petites boules jaunes qu’on avait prétendues d’or, j’ai dit que toutes les petites boules jaunes étaient tombées à terre. Les voici écrasées. Elles ont laissé de pauvres taches à mes doigts.

Alors pourquoi sans cesse recommencer ? Pourquoi vouloir — et de quel droit — habiller notre mémoire selon la mode hypocrite des autres hommes ? Il ne faut pas réincarner ce que nous avons le mieux aimé.

Si je prétends encore savoir, me rappeler, que restera-t-il, finalement, que restera-t-il devant la glace ? Moi avec la tête lourde du point d’interrogation et sans même, entre ce moi et la glace, un halo doux pour voiler des traits que mon ennui, toujours, retrouve. Le halo doux, c’est quelque histoire, une histoire qui déjà n’est plus vraie et dont je ne puis déjà plus penser qu’elle l’ait jamais été. Mais, après la mémoire, avant l’oubli, c’est la paix et son clair brouillard, un voile à ne pas déchirer. Mes doigts saignent d’avoir