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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/75

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ou trois syllabes qui s’envolent d’une phrase.

Or celui dont la mémoire ne peut se taire, même et surtout s’il entre avec elle en lutte pour ne plus permettre aucune contradiction à sa chair, son esprit, perdra jusqu’au dernier pouce de son innocence.

Enfant des faubourgs, gêné par le souvenir de la soupe sous la suspension de zinc et de porcelaine, couleur céladon, incapable de supporter l’image de la Nini d’autrefois, parce qu’il a trouvé beau le torse de ce jeune homme auquel il s’est vendu pour « rigoler », pour « voir », un matin il a brisé le mètre plié en quatre qui battait contre la jambe dans la poche du pantalon de gros velours. Un pot de crème adoucit le visage. Le soir, bal musette. Les étrangers aiment ces endroits comme Notre-Dame. Ils y vont avec la même conscience, mais comme on n’y vend pas des médailles, comme on n’y brûle pas de cierges, après plusieurs fines on achète un petit poisse. Le voyou apprend vite à choisir les plus jolies