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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/76

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cravates. Il en a toute une collection. Il danse bien, il chante. Lui aussi il va faire de l’art. La tuberculose, la coco ont déjà creusé son visage mais pas encore affiné ses mains. Il a un camarade qu’il aime bien et contre qui il voudrait dormir tout nu, et sans rien faire, comme un bébé.

Mais voilà, il y a le travail. Comment oublierait-il le rôle qu’il s’est choisi ?

Ils sont plusieurs gigolos qui s’efforcent à bien réciter, à bien chanter dans ce bar où des noctambules vont pour se divertir, s’encanailler.

L’un à cause de sa ressemblance avec certaine grande comédienne, dans une robe qui laisse, à chaque mouvement, voir une ligne de peau anémique entre le corsage et le vertugadin, incarne Célimène. Il y a deux ans, il était ouvrier plombier. Le voici coquette. Ses bras sont blancs, les aisselles épilées. Le malheur vint de ce qu’il n’avait pas de santé. Et puis quoi ! ça n’est pas drôle de passer sa vie