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Les plus optimistes en espèrent un couple, dont, l’union pourrait être célébrée par une de ces chansons du genre de celle qui, après avoir gaillardement affirmé :

La gaine est faite pour le couteau,


conclut :

Et la fille pour le garçon.

Or, bien que Paul Klee, avec trois grains de sable, nous ait prouvé que les gratte-ciel de New-York, les Galeries Lafayette de Paris, l’étonnante boulimie noctambule de Berlin, les enseignes lumineuses de Londres, ne sont rien pour les yeux de l’esprit, rien pour les oreilles de l’imagination, bien qu’il ait fait éclater des yeux illimités au front des plus minuscules créatures et, en dépit des algues, par lui libérées de tout roc, malgré tant d’êtres, de végétaux, de choses moins possibles à nier dans leur impondérable surréalité que nos maisons, nos becs de gaz, nos cafés et la viande des amours quotidiennes ou hebdomadaires, selon des ressources des tempéraments civilisés, tout le merveilleux qu’il dispense ne doit pas être abâtardi, perverti, utilisé pour l’une ou l’autre cause.

Nous nous refusons de voir en lui un de ces fakirs simplistes. Il est le contraire même de ces initiés de music-hall ou prophètes pour vieille vierge britannique et théosophe.

Libre donc au jeune Européen de chanter la toute neuve et déjà classique chanson de ses inquiétudes, libre à l’Adonis cosmétiqué de célébrer son amour des valises, du sleeping, de la vitesse, et que son frère bronzé des antipodes joue au Bouddha mort ou vivant,