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la phraséologie des journalistes rhéteurs, les distinctions des critiques et leurs propos sophistiqués, tant d’architecture en plein vide ne saurait prévaloir contre une goutte de spontanéité,

Paul Klee, oriental ?

Oui, sans doute, puisque certains de ses tableaux semblent tissés en hommage aux plus fraîches visions des Mille et une Nuits.

Mais qu’il nous mène au milieu des parterres, conduit par des allées secrètes à la caverne dont l’âge de pierre anima les parois d’aurochs, de rennes. Et l’on revient les bras chargés d’un bouquet de fossiles, cueillis à l’ombre incandescente des arbres de sel

L’œuvre de Klee est un musée complet du rêve.

Le seul musée sans poussière.

La cendre elle-même s’y fait prairie autour des villages en miniature, comme en bâtissent les enfants avec leurs jeux de constructions.

L’espace, ce vieux préjugé est enfin dénoncé puisque des cosmogonies serviront de rues, et, la Voie lactée de fleuve à ce paradis lilliputien et magnifique dont les animaux et leurs hommes, tout de nerfs, saluent l’incendie des poissons volants,

À cette lumière, il n’est point de cailloux qui veuillent encore faire la tête dure, la sourde oreille.

Partout ce sont des éclosions surprenantes.

Et par ce que sur l’ongle de son pouce un peintre sut dessiner des murailles à faire rêver de Babylone et de Palmyre, au plafond de leur chambre, les malades qui ont lu dans ses toiles sauront pour se venger de la fièvre, du silence, de l’immobilité, découvrir des kilomètres et des kilomètres d’histoires. Un petit morceau de plâtre écaillé, il n’en faut pas plus pour que soient dévoilés les plus vertigineux secrets.