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LES LEGENDES DES GRECS D'ASIE 83

Helicouios au Panionion de Mycalc ; il est possible que les Achéo-Eoliens du littoral mysien se soient associés entre eux de la même manière. En tout cas, il y eut bien certainement dans ce groupe de colo- nies une communauté de souvenirs, d'abord incon- sciente, dont la poésie ne tarda pas à s'emparer. Une bonne partie de ces fugitifs venaient du Pélopon- nèse. Le dernier grand souvenir qui leur était resté du pays natal, c'était celui de la brillante civilisation achéenne d'Argos et de Mycènes, dont Tiniage idéa- lisée denieurait empreinte à jamais dans leur esprit. Les Achéens de Lesbos et de la Mysie, qui, sous les descendants d'Agamemnon, formaient à Torigine le groupe le plus homogène, gardaient ce souvenir avec un attachement particulier; mais les Ioniens, leurs voisins, n'avaient aucune répugnance à s'y rallier, car leurs pères avaient été associés à cette puissance. Donc tous ces Grecs d'Asie étaient des (irecs d'avant la conquête dorienne. Comme nos ré- fugiés français du xvii® siècle après la proscription religieuse de Louis XIV, ils gardaient quelque chose d'antique et vivaient en imagination dans le passé, ce qui ne les empêchait nullement d'ailleurs d'appliquer leur intelligence pratique aux choses du présent. Au milieu même de leurs discordes, les traditions conservées et aimées étaient leur signe de ralliement. D'ailleurs ils les enrichissaient et les élargissaient par des mélanges incessants. On trou- vait en Eolide des Béotiens à coté des Achéens; en lonie, à coté des anciens habitants de l'Egialée péloponnésienne, on trouvait des Abantes, des Minyens, des Cadméens, des Dryopes, des Phoci- diens, des Arcadiens, des Epidauriens, des Pyliens. La nouvelle Grèce d'Asie fut comme le creuset où se lit la fusion de leurs légendes; il s'y forma, pour

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