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PREMIERS CHANTS EPIQUES Oa

sifiés qui élaient chantés par le peuple. Rien ne nous autorise à croire qu'il en ait été de même en Grèce. Quand la poésie épique y prit naissance, la poésie religieuse, à ce qu'il semble, était en état de lui léguer un ensemble de préceptes et d'exemples, qui durent la dispenser d'un long apprentissage. La matière changea, mais la forme ne fut d'abord qu'à peine modifiée. Les premiers chants épiques étaient sans doute de véritables hymnes un peu plus déve- loppés. Ils débutaient par une invocation à un dieu*, puis ils racontaient une aventure héroïque au lieu d'exposer un mythe ; la différence était insensible ; et il est assez probable que le passage d'un genre à l'autre se fit, pour ainsi dire, entre les mains des aèdes, sans que ceux-ci eussent même bien claire- ment conscience de la transformation qu'ils accom- plissaient.

Le premier fonds de ces chants était emprunté aux traditions anonymes qui circulaient alors partout. Mais à coup sûr les poètes de ces temps anciens, loin de s'asservir à ces traditions, en usaient avec elles très librement. L'imagination d'un peuple jeune est trop complaisante pour refuser à ses poètes le droit d'embellir les choses. Ceux-ci, qui sentaient en eux l'esprit d'un dieu et qui passaient pour effectivement inspirés, croyaient même dans une certaine mesure créer la vérité des événements par la manière dont ils les racontaient. Lorsqu'il n'y a encore dans une nation ni histoire, ni critique, lorsque tout le passé apparaît comme obscur et vague, il est naturel que celui qui éclaircit le mieux les faits, qui les présente d'une manière à la fois vraisemblable et intéressante, qui les coordonne

1. Odyssée, VIII, 499.

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