112 CHAPITRE II. — ANALYSE DE L'ILIADE
C'est en invoquant la muse selon l'usage tradi- tionnel que le poète ouvre son récit (v. 1-7). Sous une forme très vague, une sorte de sommaire des événements futurs est contenue dans cette invoca- tion. Beaucoup de souffrances pour les Achéens, beaucoup d'àmes de héros descendant chez Hadès, beaucoup de cadavres livrés en pâture aux chiens et aux vautours, voilà, entre les choses à venir, celles qu'il nous découvre. On ne peut s'empêcher de re- marquer que le véritable développement du poème actuel n'apparaît là que très imparfaitement. Rien n'annonce dans ce résumé préliminaire les grands événements qui en rempliront la seconde moitié, la mort de Patrocle, le retour d'Achille, sa victoire sur Hector. Le poète, uniquement occupé des revers des Achéens, ne semble pas avoir la moindre idée de leur triomphe final ; il voit la colère d'Achille fu- neste aux siens et il ne songe pas au jour où, par une péripétie des plus dramatiques, elle doit se re- tourner contre les Troyens et leur devenir bien plus funeste encore. Que faut-il conclure de là? Ces vers, en raison même de leur peu de précision, ne peuvent pas avoir été composés par un aède pour servir d'introduction au poème après son achèvement complet. C'est donc bien l'auteur de la Querelle qui a dû les mettre en tête de son chant; seulement ne devient-il pas plus que probable par là même qu'en les composant, il n'avait aucune conception arrêtée des événements qui figurent aujourd'hui dans Y Iliade?
L'action commence, et aussitôt elle nous captive par un intérêt simple et profond. Les Achéens ont pris à Chrysès, prêtre d'Apollon, sa fille Chryséis et ils l'ont donnée à leur roi Agamemnon; le vieillard, qui veut ravoir son enfant, vient au camp pour la ré-
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