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160 CHAPITRE II. — ANALYSE DE L'ILIADE

à son secours. Ses feux dessèchent les eaux dé- bordées. L'embrasement arrête l'inondation et la re- foule. Enfin le Xanthe demande grâce , et tout s'apaise. Rien n'est plus célèbre que ce récit : c'est l'œuvre d'un poète d'une grande et brillante imagi- nation, en qui les qualités dramatiques s'unissent aux qualités descriptives d'une manière merveil- leuse ; mais si l'on veut y trouver le caractère homé- rique, il faut changer le sens de ce mot. Ce qui caractérise essentiellement l'art homérique, tel qu'il nous est apparu déjà dans le chant de la Querelle, dans les Exploits dAgamemnon, dans la Patroclie, et ailleurs, c'est, nous l'avons dit, la grandeur de l'effet associée à l'extrême simplicité des moyens. Or, dans la lutte d'Achille et du Xanthe, c'est le contraire qui nous frappe. L'effet est grand, mais il est obtenu par des moyens extraordinaires. Faire sortir un fleuve de son lit, puis, comme si cela même était insuffi- sant, en appeler un second à son aide, déchaîner un incendie à travers une plaine et nous la montrer tout entière en feu, mettre en lutte deux éléments, en un mot bouleverser tout pour un seul homme qu'une simple vague suffisait à engloutir, c'est le fait d'un poète à qui rien ne coûte, pourvu qu'il étonne et qu'il effraye. A ce morceau succède l'épisode appelé proprement Combat des dieux (v. 383-585), qui est re- jeté presque unanimement par la critique. Sans raison, les dieux des partis ennemis se provoquent deux à deux, et ces défis n'aboutissent qu'à des échanges de paroles ou à des rencontres qui sem- blent à peine sérieuses. Nulle part, on peut le dire, l'interpolation n'est plus évidente que là. En compa- rant ce morceau au précédent, il semble naturel de penser qu'il a dû être composé antérieurement et que le combat d'Héphaestos et du Xanthe est sira-

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