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PRÉFACE

Français Brunck et Schweighæuser. Je ne cite que les « maîtres du chœur ». Tous ces érudits savent le grec ou le latin admirablement. Jamais le style des écrivains anciens n’avait encore été étudié de si près, ni avec une plus fine intelligence des habitudes de chacun. Ce qui leur manque, c’est un certain sens du développement historique des choses ; c’est l’habitude et le goût de s’élever au-dessus des mots pour saisir dans sa généralité l’esprit antique, dont ces mots si bien étudiés et ces œuvres si doctement commentées dans leur détail ne sont qu’une création particulière[1]. Ce sont des scoliastes, d’admirables scoliastes, mais non des historiens.

Ce défaut de sens historique est pourtant bien plus sensible chez les lettrés. Car les érudits, en somme, péchaient surtout par omission ; mais ils faisaient bien ce qu’ils faisaient, et ils amassaient de bons matériaux pour l’avenir. Il est d’ailleurs impossible de ne pas aimer ce qu’on sait si bien, et cet amour érudit de l’antiquité, sans leur donner encore à proprement parler le sens historique, élargissait du moins leur goût. Les lettrés, au contraire, ceux qui font de la critique littéraire, qui jugent et apprécient, montrent sans cesse, dans le même temps, un dogmatisme qui ne sait guère qu’osciller entre la dévotion superstitieuse et la révolte intempérante[2].

  1. Le petit livre de Tanneguy Lefèvre sur les Vies des Poètes grecs ne saurait faire modifier ce jugement général.
  2. Je parle ici surtout des lettrés français, qui font la loi, pendant deux siècles, à presque toute l’Europe. Car, pour être